splendeurs et miseres sur la KKH

Après quelques jours de repos au camping d'Islamabad,

nous voilà enfin partis le 13 septembre, veille du ramadan, à 8h, vers la Karakoram Highway, plus connue par ses initiales : la KKH. Plusieurs itinéraires y mènent depuis Islamabad, on choisit celui de l’Est, qui passe par une station touristique de montagne bien connue des Pakis : Murree.
La route est bonne mais étroite et galère à cause des virages, de la circulation intense dans les deux sens (et les camions sont lents, je vous rappelle…) et des nombreux villages qui se succèdent sans interruptions ou presque (et, je vous le rappelle, village = moushkin, c’est-à-dire bordel en Manaï !). Les voitures, les minibus doublent et passent à toute vitesse dans les virages sans visibilité… Première galère : dans un virage, un Toyota prend trop vite et un peu large et bing, frotte Gégé au niveau de la porte latérale… peinture écaillée, légèrement froissé, mais rien de bien méchant. Juste ça énerve ! Manu commence a avoir un langage plus fleuri envers nos compagnons de route !!!
On passe Murree, qui effectivement est bien sympa entre les sapins, dans la brume qui descend, et l’air frais des montagnes,

et voui, des singes au bord de la route!

on bifurque vers la route de Muzafarabad : on redescend, moins de monde, de bien jolis coins, mais c’est étroit et pentu et plein de villages…

il y a meme des gamins sur des planches a roulettes! mais la, c'est pas pour le fun...

D'ou deuxième galère : les freins donnent des signes de faiblesse… On s’arrête pour laisser refroidir, on en profite pour nettoyer les vitres dedans et dehors (pas du luxe !), on arrose un peu les freins et on repart doucement (première, seconde…). Notre objectif pour la nuit devient déjà plus ambitieux…

On passe un pont et à l’entrée de Kohala (sic !), joli panneau : Vous entrez dans le Cachemire, permission obligatoire pour les touristes étrangers ! Mince, ça, on ne l’avait pas prévu… On passe deux barrages de police, mais au troisième la sanction tombe : demi-tour… Et de se retape 50km (soit 1h30 environ…) de remontée jusqu’à Murree à travers les villages…

Tout à coup, bling : troisième galère ! un minibus nous accroche le rétroviseur droit qui explose… Et c’est bien utile quand on conduit à gauche… Là, Manaï est vert de rage, et mettra un bon moment à se calmer !

Mais la route qui rejoint la KKH est tellement belle à travers la forêt, et tellement moins de monde, surtout, qu’on fait contre mauvaise fortune bon cœur et on se laisse porter par le paysage… entre deux bancs de brouillard !!!

Mais arrivés sur la KKH, grosse déception : c’est littéralement une file ininterrompue de véhicules en tout genre dans les deux sens ! Pffff, ce n’est pas comme ça qu’on va arriver à destination ! D’ailleurs, le soir se rapproche, il va falloir songer à un endroit où se poser. Comme pour bien finir cette maudite journée, on se retrouve entre deux villes, et le voyant de la batterie clignote, puis se fixe au rouge… Ben tiens ! On débranche tout ce qui charge, mais on baisse en énergie : même plus de klaxon… Manu s’arrête, moteur en marche, vers nos meilleurs potes au Pakistan : les flics ! Qui ne veulent pas qu’on se pose à côté d’eux (c’était pourtant bien mignon comme coin de campagne…), appellent sur le portable la Police Station : Come on, you are my guests ! Et on se retrouve à nouveau dans la cour d’un poste de police, mais bien petit et bien misérable car rescapé du tremblement de terre qui a dévasté la région il y a 2 ans… Mais accueillants comme toujours : on mange de la viande en sauce et des galettes, un petit thé en discutant, et dodo dans le pov Gé bien vermoulu de sa journée.

Le lendemain, miracle, on démarre !!! mais bon, toujours pas de jus, on décide, si on y arrive, de s’arrèter à notre objectif de la veille : Besham, et d’essayer de trouver un garagiste.
Il ne fallait pas aller bien plus loin !!! A peine on arrive dans le coin des garagistes, Gégé se met à fumer sous le capot…. On coupe le moteur (qui cette fois ne redémarrera pas) et pchiouffff : le vase d’expension est percé, vapeur de partout… Et nous, comme deux malheureux ; c’est vendredi donc tous les petits garages sont fermés, sauf un gars qui répare une autre voiture et ne s’intéresse pas à nous ; quelques curieux qui s’approchent et hochent la tête d’un air grave en échangeant des diagnostics en Urdu… On reste bien ¼ d’heure comme ça à ne pas savoir quoi faire, quand une voiture arrive, un paki descend, et nous prend en charge : c’est un garagiste spécialisé dans les radiateurs que on ne sait qui a appelé ! Il Nous réparera le vase d’expension avec des lanières de plastique découpées dans un ventilateur et soudées à chaud !!! Puis nous conduit jusqu’au garagiste spécialisé dans les circuits éléctrique : c’est l’alternateur qui est mort… mais il en a justement un de marque allemande, qu’il nous installe avec force bidouillage de branchement et pause prière à la mosquée ! et Gégé redémarre tout seul!!! Il est 15h, on se pose a l’hôtel, ou plutôt sur le parking de l’hôtel, car le manager fait la sieste… On y est depuis deux heures d’ailleurs et rien ne bouge… Ca promet le Ramadan au Pakistan !!!
Bien mangé, bien dormi dans Gé, avec moustiquaire of course, et peu d’air… Petit dej plus que frugale et c’est parti dès 7h! Grosse journée en perspective… Il y a un tronçon de la KKH qui a mauvaise réputation pour les voyageurs étrangers : il y aurait des enfants qui jettent des pierres sur les véhicules, des villages intégristes… On devra donc faire 300km dans la journée, et la route n’est pas fameuse…
Gégé démarre au quart de tour !
Première bonne surprise, il n’y a pas beaucoup de circulation, que des camions, et il y en aura de moins en moins. Et la route qui longe l’Indus est superbe.
Deuxième bonne surprise : tout le monde est souriant et détendu ! On croise de plus en plus de bonnets de laine façon Patchouk, et de longues barbes noires sous des regards pénétrants mais souriants.

Pause petrole : les gamins sont morts de rire devant les nains!

Par contre, à un barrage de contrôle, on nous fourre un pakistanais dans Gégé, pour le monter à sa base. Et c’est ramadan… donc on s’abstient de fumer et de boire les 2 premières heures, par respect, puis comme il ne semble toujours pas arrivé, on craque, mais modérément. On le posera 200km plus loin. Et 200km, c’est 6h au bas mot !

On fait du 30km de moyenne, et on se fait quelques petites frayeurs : la route est à flan de falaise, plus ou moins haute au dessus de l’Indus, étroite, sinueuse et par moment l’asphalte laisse la place aux cailloux ou au sable… et à un seul véhicule ! Mais ça roule plutôt prudemment, et comme on ne veut pas que Gégé chauffe après son opération, on y va tranquille.
Les vallées escarpées laissent place à des vallées plus larges et les premiers sommets enneigés pointent. Wahoo !!

On se fait une bonne pause à Gilgit, la dernière vraie ville de la KKH, et on passe une excellent soirée avec un couple de français, Fredi et Laure, qui sont avec un vieux camping-car qui tient la route contre toute attente, et à qui il restait de l’eau de vie de prune! On espère bien les croiser à nouveau en Inde…

Le lendemain, on grimpe encore sur la KKH,

jusqu’à un camping bucolique au milieu des pommiers, des moutons et des sommets enneigés… Le ramadan est moins suivi ici, et les femmes plus souriantes. Un vrai plaisir !
Les villages à flanc de montagnes sont tout mignons avec leur murets en pierres, les sources qui débordent partout sur la route… et quelques cultures comment dire… exotiques ?!!

et dire qu'on n'a meme pas goute....

Le lendemain, on scotche un miroir sur l'oreille droite de Gege, et on part assez tôt, en pensant avancer jusqu’à Sost, la porte de l’Himalaya, mais la route est bonne,

et on se retrouve à grimper vers notre but final, la Kunjerab Pass, à 4700m, la frontière entre le Pakistan et la Chine… Personne sur la route. C’est grandiose, minéral, immense… Impossible de rendre en photos la hauteur des sommets qui se succèdent, au détour d’un virage, les glaciers qui s’avancent vers la route, les rivières bleues qui descendent… les parois qui se rapprochent puis les vallées qui s’étendent…
On a toutefois une bonne alerte 17km avant d’arriver : la température de Gégé monte dangereusement, et quand on ouvre le capot, le vase d’expansion fuit et tout est bouillant, sous pression… merde… si près du but… on purge le radiateur, on ajoute de l’eau… et on se demande s’il est bien prudent de continuer… Mais bon, de toute façon, s’il doit nous lâcher, que ce soit en haut ou en redescendant…
On continue donc et la vraie grimpette commence… A part un ou deux camions chinois, on est seuls… et Gégé commence a peiner à cause du manque d’oxygène… Mais c’est beau, si beau… et on arrive enfin ! On enfile un pull et le douanier pakistanais nous salue avec un grand sourire et nous accompagne à pied jusqu’au poste de douane chinois, un tout petit bâtiment avec son drapeau rouge, au milieu de l’immensité ! Gege est presque alle en Chine!!!!
Des touristes chinois, montés en taxi (la route est toute neuve de l’autre côté !), nous prennent en photo ! on ne saura jamais si ils ont bien compris qu’on étaient français et non pakistanais !!! On se balade, savourant le calme et la beauté du paysage, et le plaisir d’être montés jusque là… et avec la tête qui tourne un peu du fait de l’altitude ! On aura d’ailleurs un mal de tête tenace tout le reste de la journée…

Il faut repartir, car on ne veut pas arriver trop tard à Sost pour la nuit. On embarque au passage deux pakis qui n’avaient pas de transport retour. Gégé tient le coup, le soleil se cache doucement derrière les sommets… et on a la chance de voir pendant quelques minutes un Ibex et son petit ! Redescente sans problèmes, excepté qu’on se retrouve sur la route à la nuit… Mais on s’arrête vers un petit hôtel perché sur une montagne, près d’un ruisseau, et on le verra le lendemain, au pied d’un magnifique glacier. Et le poulet aux abricots fera merveille !!
Dodo sur le parking, bien au frais… deux œufs et des galettes un peu rassis au petit dej, et c’est reparti ! On redescend sur Gilgit, en faisant le taxi à l’occasion… et on se fait offrir le thé en échange de la course ! on repart même avec un sac de pommes… Sympa, non ?
Nous revoilà au petit hôtel de Gilgit… et on reprend des forces avec une bonne douche, une soupe délicieuse et une bonne nuit en perspective !